Tout homme a ses douleurs. Mais aux yeux de ses frères
Chacun d’un front serein déguise ses misères.
Chacun ne plaint que soit. Chacun dans son ennui
Envie un autre humain qui se plaint comme lui.
Nul autre mortel ne mesure les peines,
Qu’ils savent tous cacher comme il cache les siennes ;
Et chacun, l’œil en pleurs, en son cœur douloureux
Se dit : » excepté moi, tout le monde est heureux. »
Ils sont tous malheureux. Leur prière importune
Crie et demande au ciel de changer leur fortune.
Ils changent ; et bientôt, versant de nouveaux pleurs,
Ils trouvent qu’ils n’ont fait que changer de malheurs. (André Chenier)
André Chenier Poète né le 30 octobre a Constantine (Empire ottoman)
Décés le 25 Juillet 1794 à Paris
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Né à Galata, quartier de Constantinople (aujourd’hui Istanbul en Turquie), d’une mère grecque (Elisabeth Lhomaca)2,3 et d’un négociant français, qui, une fois rentré en France avec les siens en 1765, repartit bientôt, sans eux, pour être consul au Maroc (Louis de Chénier). André fut élevé par des parents à Carcassonne, puis fit de solides études à Paris, comme pensionnaire au Collège de Navarre, où il se passionna pour l’Antiquité et la poésie classique. Il s’y lia avec des fils de grandes familles, grâce auxquels il put ensuite fréquenter les milieux littéraires et aristocratiques.
Activités poétiques[
Pour l’arracher à un amour malheureux pour une chanteuse de l’Opéra (sa Lycoris), on lui ménagea un stage d’élève officier à Strasbourg en 1782 ; mais il se vit fermer la carrière militaire comme roturier. Reportant désormais toute son ambition vers la poésie, quoique sans publier, il conçut de grands projets, avec l’espoir de devenir « l’Homère des modernes »2. Cependant, après un voyage en Suisse en 1784, il composa surtout des Élégies et des Bucoliques, où l’imitation des modèles antiques4 servait l’expression esthétique d’une inspiration orientée par sa passion pour la mondaine Michelle Guesnon de Bonneuil (appelée D’Azan ou Camille), puis par son amitié amoureuse pour la peintre italo-anglaise Maria Cosway née Hadfield, épouse de Richard Cosway, courtisée par l’ambassadeur américain Thomas Jefferson.
À partir de février 1787, au retour d’un rapide et mystérieux voyage en Italie, il s’occupa plus activement de poèmes philosophiques et satiriques qui portent la marque du climat idéologique et politique de l’époque pré-révolutionnaire ; mais sa situation précaire l’obligea à contenir sa combativité. Engagé comme ambassadeur privé du Marquis de la Luzerne, ambassadeur de France en Angleterre, il partit le 1er décembre 1787 en compagnie de Maria Cosway, qui rentrait àLondres, où il resta en service jusqu’en 1790, tout en disposant chaque été d’un congé à Paris.
Journalisme
Il contribua au Journal de la Société de 1789 qui compta une quinzaine de numéros2. À partir de 1791, il collabora, comme Michel Regnaud de Saint-Jean d’Angélyet François de Pange, au Journal de Paris, organe du parti constitutionnel, où il condamna la Terreur de la Révolution dans des articles critiques contre Jacques Pierre Brissot, et d’autres plus véhéments contre les Jacobins, notamment Robespierre et Marat2. Inquiété pour ses prises de position publiques, il réussit à sortir de Paris, après le 10 août 1792, quittant le quartier du Sentier, où il résidait chez ses parents. Au moment des massacres de Septembre, il se rendit à Rouen, puis au Havre, d’où il aurait pu embarquer. Il refusa néanmoins d’émigrer et revint à Paris, pour participer aux tentatives faites pour arracher Louis XVI à l’échafaud. Il se replia au printemps 1793 à Versailles, d’où il se rendait souvent à Louveciennes où se trouvait la propriété de ses amis Lecouteulx2. Discrètement amoureux de Françoise Lecouteulx, il composa pour elle la mélancolique série des Odes à Fanny.
Arrestation et condamnation
André Chénier est arrêté à Passy le 7 mars 1794 alors qu’il rend visite à son amie, Mme Pastoret. Venant de Versailles, il est accompagné d’Émilie-Lucrèce d’Estat qui, comme lui, a participé aux achats de votes de Conventionnels pendant le procès de Louis XVI. Mlle d’Estat, maîtresse puis épouse de José Ocariz, l’ancien chargé d’affaires ayant rang d’ambassadeur espagnol à Paris avant la déclaration de guerre, qui a supervisé cette vaste opération de corruptionNote 1, a conservé des papiers relatifs à cette affaire. Ce dossier très important qu’André Chénier a eu entre les mains est activement recherché par les comités de l’an II.
Sachant que Mlle d’Estat, dont le frère et la sœur viennent d’être guillotinés, est elle-même en grand danger, Chénier se met courageusement en avant, créant une espèce de confusion à l’occasion de laquelle Mlle d’Estat peut s’esquiver tandis qu’on l’emmène, lui, en prison à Saint-Lazare. Impliqué dans une des fausses conspirations qui permettent d’exécuter les suspects sans les entendre, il est condamné à mort par le Tribunal révolutionnaire, pour avoir « recelé les papiers de l’ambassadeur d’Espagne ». Mais il est surtout accusé comme « ex-adjudant chef et chef-de-brigade » sous les ordres de Charles-François Dumouriez et « d’un mémoire contre des habitants de la commune de Breteuil alors que c’est son frère « Sauveur » Chénier qui en est l’auteur et qui est lui-même emprisonné à Beauvais »5.
Il est guillotiné le 7 thermidor, avec le poète Jean-Antoine Roucher et Frédéric de Trenck, deux jours avant l’arrestation de Robespierre. La veille de sa mort, il aurait écrit l’ode La Jeune Captive, poème qui évoque la figure de sa muse, Aimée de Coigny.
S’adressant à Jean Antoine Roucher, ses dernières paroles6 prononcées avant de monter sur l’échafaud sont : «Je n’ai rien fait pour la postérité» et d’ajouter (se désignant la tête) : « Pourtant, j’avais quelque chose là !» ou «C’est dommage, il y avait quelque chose là !»Note 2. Son corps, parmi mille trois cents autres victimes de la Terreur et de la guillotine, est jeté Place de la Nation, dans une fosse commune du couvent des Chanoinesses, plus tard devenu le cimetière de Picpus àParis7.
Il est aussi connu pour l’anecdote suivante : attendant son tour devant l’échafaud, il lit un livre de Sophocle. Lorsque le bourreau l’appelle pour lui lier les mains, Chénier remet son livre en poche, non sans avoir corné la page8…
Il est, avec Chatterton et Gilbert, l’un des trois auteurs «maudits» présentés par le Docteur Noir dans le Stello d’Alfred de Vigny. Considéré par les romantiquescomme leur précurseur, sa destinée a inspiré l’opéra vériste d’Umberto Giordano, Andrea Chénier, dont la première eut lieu à La Scala de Milan, le 28 mars 1896.
Son vers « Elle a vécu Myrto, la jeune Tarentine » demeure indissolublement lié à son nom.
Il est aussi l’auteur d’un poème en l’honneur de Charlotte Corday, intitulé Ode à Marie-Anne-Charlotte Corday.
En 1910, Jean-Marie Mestrallet rédige un poème dramatique en quatre actes : André Cheniér9,10.
Dans ses Poèmes de Fresnes écrits en prison d’où il attend son jugement, Robert Brasillach compare sa situation à celle d’André Chénier.
Son frère cadet, Marie-Joseph Chénier, écrivain, dramaturge, mena de pair une carrière politique. Après la mort d’André, les Royalistes se livrèrent à une violente campagne diffamatoire, le traitant de Caïn et l’accusant faussement, pour discréditer les Républicains, d’avoir laissé exécuter son frère.