-« Le sentiment a toujours été pour moi plus facile à écrire qu’à dire. Plus encore aujourd’hui, écrire opère un effet différé délicieux et délivre une part de rêve essentiel et donne un peu d’éternité à ce que nous vivons mon mari et moi jour après jour. Alors,l’acte d’écrire est une manière de m’interroger sur ce sentiment qui me chamboule, ou de fuir la souffrance et le chagrin, cette part de rêve que nous cherchons tous, pour nous protéger des turbulences et des duretés du monde. Écrire cette part de rêve que je cherche, pour me protéger des turbulences et des duretés de cette maladie Alzheimer qui à pris a mon mari sa mémoire, ses souvenirs, telle une sensu elle sait saisit de notre vie d’avant.
Mon tendre mari,
De l’autre côté de ta maladie
Que de cette vie d’avant où tu jouissais de toute ton élocution
Seuls quelques mots surgissent maintenant de ta gorge.
Les miracles existent-ils vraiment, faut-il y croire
Ce 25 décembre 2023, jour d’après Noël que sait-il donc passé lorsque tu m’interpellas :
– « Boudou ma femme … (Boudou » petit surnom que tu me donnas au lendemain de notre mariage.)
Ce n’est pas possible j’ai du mal entendre, tu n’as pas pu prononcer ma femme il y a si
longtemps que tu ne parles plus.
Néanmoins, pendant quelques instants tu as retrouvé tes mots,
puis comme un cadeau venu du fond de ton cœur ces mots tu les as superbement bien énoncés.
J’avais en mémoire ceux que je t’avais insufflés à chacune de mes visites alors que tu étais si malade.
Je te disais de te battre, de ne pas abandonner la bataille que tu serais le gagnant… tu le fus.
Tu peux compter sur moi je ne t’’abandonne pas, je resterais à tes côtés jusqu’à la fin de ta vie.
Ce jour, tu as retrouvé un peu de vie ; il me faut retenir ton attention :
manges-tu de la soupe le midi ?
Question sans aucun intérêt et cependant de ta voix mal assurée tu m’as répondu « non ».
-Tu es sûre que tu ne manges pas de la soupe à midi : « Non » !
-et le soir dans ton lit, manges-tu de la soupe ? « Ben oui » !
Émue devant ce naufrage qui nous sépare depuis si longtemps déjà, je me suis éloignée de ton fauteuil
quelques secondes et ne me voyant plus… tu m’as appelé à trois reprises …
-« Boudou, Boudou, Boudou » ta voix était si triste que l’aide-soignante présente à nos côtés se rendit
compte de ta détresse elle posa sa main sur ton épaule puis t’adressa un sourire bien veillant,
te réconforta avec des mots douceurs.
Que c’était t-il donc passé pour que de l’autre côté de ta maladie ressurgissent ces petits moments de
lucidité si précieux à nous deux.
Il y avait t-il eu au lendemain de Noël un miracle qui t’avait temporairement redonné la parole,
Ce beau matin plein de douceur où la vie est une suite de rendez-vous, c’est une course folle contre le temps faite d’envies, de détermination, d’ivresse absolue, de moments suspendus dans le temps, de gaieté juvénile, de joies profondes, entrecoupées de tristesses infinies, de mélancolie…
C’est une symphonie de mots qui apporte la sérénité dans un accord final poétique d’espoir renouvelé.
Poète tu es le cœur qui palpite dans l’infini de mon rêve et tu tisses des voiles d’argent dans mon ciel de lumière, tes mots, éclatent et brulent en moi. Tes mots répandent leur douceur sur moi et m’apportent la joie, me ravissent, me donnent le rêve et la vie.