Toi qui va me lire il te faut aussi une bonne dose d’imagination surtout si tu es comme moi un peu loufoque!
La plume glisse. Elle ne sait pas encore si ce sera une lettre ou un poème. Elle a tant de choses à lui dire. Tant de mots d’amour ont été gravé sur le dessus de ses touches que le papier lui semblent bien triste pour le faire.
Si bien qu’elle a écrit : « Je n’ai que ma plume pour écrire l’indélébile. Qui ne l’est qu’au moment où je l’écris. L’encre s’efface. Les lettres se perdent ou se déchirent. Puisse le tout rester intact. Indélébile. Jusqu’à ce que ma langue puisse écrire des Je t’aime dans ton dos. »
Plus rien ne la lie à l’écriture. Moi, le clavier je ne transcrit plus ses mots.
Indélébile c’est ridicule autant que l’est mes je t’aime. Extravaguant, n’est ce pas ce que se dit Justine avec amertume en détournant les yeux de son clavier qui ne lui sert plus à rien.
Une certaine excitation l’avait gagnée dont elle ne percevait pas encore l’abandon. Elle avait cru en son clavier. Lui il s’amusait de ses mots qu’elle écrivait. Puis il avait fini par ne plus la comprendre du tout…Il admirait cette femme mais ce matin une sonnette avait tinté au creux de son cœur comme si il s’était agit d’un avertissement : il devait se méfier d’elle. Elle était capable d’affronter n’importe quel obstacle, n’importe quel supplice mais ne plus pouvoir passer ses doigts sur lui jamais! Y avait elle pensé ? Pour sure saurait été une trahison. Elleécrivait qu’elle avançait sur une planche étroite, au dessus d’un précipice sans fond. Et elle avait fini par comprendre, que plus jamais elle ne s’accommoderait de mots retors écrits sans scrupule.
Il la vit demeurer silencieuse, non d’ailleurs parce qu’elle soit allé trop loin, qu’elle avait commis une imprudence, une faute qu’elle jugeait irréparable. Elle approchait de la vérité dont elle aspirait, à se délivrer. Ecrire ! Un fardeau trop lourd, fagot d’épines.
Ce qu’il redoutait par dessus tout s’entendre dire : – je ne suis plus éprise de toi mon clavier… Je ne vise plus l’acceptation humiliante d’une amoureuse transie de jolis écris.
Il la vit sourire à présent, désinvolte, gracieuse, de se sentir à nouveau libre.
Cependant lui, le clavier il savait d’avance la vérité : elle ne changerait jamais. Il en était persuadé il en est ainsi un jour sans écrits pour elle le mot « jamais » n’existe pas bien longtemps. Il en était persuadé, elle reviendrait un matin taper ses mots, sur les touches de son clavier… (Texte Roberte Colonel.)