
« Les mots que nous écrivons sont ceux de notre amour. Sans ces mots que serait notre amour ? Pourrait-il être aussi intense pendant l’acte d’amour ? » Roberte colonel.
« Écrire est un acte d’amour. S’il ne l’est pas, Il n’est qu’écriture. » Jean Cocteau
Par Mélina Gazsi
Une jeune femme recevait, le 7 mars 1833, ce billet d’un homme rencontré quelques mois auparavant : « Je vous aime, mon pauvre ange, vous le savez bien, et pourtant vous voulez que je vous l’écrive. Vous avez raison. Il faut s’aimer, et puis il faut se le dire, et puis il faut se l’écrire… » Elle, c’est Juliette Drouet. Lui, s’appelle Victor Hugo. Jusqu’à sa mort, le poète adressera à sa maîtresse comédienne plusieurs centaines de lettres.
On croyait pourtant la lettre d’amour désuète. « Avec le téléphone d’abord et plus encore avec les nouvelles technologies, on a cru la voir disparaître, observe-t-il. Or, aujourd’hui, elle est devenue unique, car le temps renforce sa valeur, celui que l’on prend pour l’écrire, celui qu’elle met à parvenir à son destinataire et le temps qu’il prend pour la lire. » Certes, les lettres envoyées par la poste se font plus rares. En réalité, les mails et les texto ne remplacent-ils pas ces billets qu’autrefois, l’on faisait porter à l’élu(e) de son cœur pour exprimer son désir immédiat ?
« Un effet différé délicieux »
La lettre d’amour est-elle encore utile quand l’autre sexe et la sexualité n’ont plus rien d’interdit ? « Au contraire ! , répond le psychiatre et psychanalyste Roger Schembri, le sentiment a toujours été plus facile à écrire qu’à dire. Plus encore aujourd’hui, où l’on dit plus facilement « J’ai envie de baiser avec toi » que « Je t’aime ». En outre, écrire opère un effet différé délicieux et délivre une part de rêve que nous avons envie de vivre. » A l’instar de Patrick Boulet, 45 ans, qui écrit beaucoup à Claire. « Décrire mon amour m’est essentiel et donne un peu d’éternité à ce que nous vivons. »
Les nouveaux moyens de communication n’auraient donc pas enterré la correspondance amoureuse ? Celle écrite à la main, envoyée par la poste, parfois même parfumée, agrémentée de dessins, enrichie de menus souvenirs ? Pour Joëlle-Andrée Deniot, professeure de sociologie à l’université de Nantes, « Internet, Facebook ou Twitter l’auraient plutôt développée ». Et les jeunes, accrocs pourtant au virtuel, ne sont pas en reste. Ils disent leur amour sur tous les supports, jolis papiers et parchemins, Post-it et cartes postales, textos et courriels, et rivalisent de sens créatif. Il est vrai qu’une lettre manuscrite dans les boîtes pleines de prospectus et de factures, ça a un certain cachet.
La lettre reçue qui porte l’écriture de l’aimé(e) est sensuelle et charnelle comme l’expression du désir. Ecrire comme un prolongement de soi. « Comme une caresse, un baiser que l’on donne pour se rassurer en assurant l’autre de notre affection« , témoigne Josiane Abiwen, 48 ans. Il arrive aussi que l’autre soit loin ou qu’il nous quitte pour de bon. Alors, l’acte d’écrire est une manière de nous interroger sur ce sentiment qui nous chamboule, ou de fuir la souffrance et le chagrin. « Quand j’ai compris que je ne la reverrai jamais, j’ai décidé de lui écrire la plus belle lettre d’amour » avoue Jérémie Franc de Ferrière, 27 ans.
La lettre d’amour contient bien cette part de rêve que nous cherchons tous, pour nous protéger des turbulences et des duretés du monde. Pour donner aussi un sens à la sexualité, entre plaisirs et sentiments.
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