L’accident
Elle ne s’était plus promenée seule dans le parc depuis longtemps. Toute une année qu’elle n’avait pu admirer l’allée somptueuse bordée de rosiers odorants qui embaumés aux alentour de l’habitation.
Il y avait dans les yeux de Sophie tant de tristesse, ses joues étaient si pâles que même l’aire qu’elle respirait ne parvenait pas à les colorés.
Un an déjà que l’accident avait eu lieu. Un an qu’elle avait été transportée d’hôpitaux en maisons de rééducation sans espoir qu’un jour elle puisse être de nouveau autonome. L’accident avait eu lieu à quatre kilomètres de leur maison. Une voiture folle était venue s’encastrer à vive allure dans la voiture que conduisait Thibault ne lui laissant aucune chance de sortir vivant. de ce fracas de tôles encastrées les unes dans l’autres. Sophie entendait encore le bruit infernal du choc, leurs cris a tous les deux, puis la projection de son corps sur Le bas coté de la route, et tout ce qui s’en suivit… Les interminables minutes dans l’attente des premiers secours, les moments où elle dut s’imposer la prudence qui commandait à son corps de ne pas bouger, de rester inerte malgré des souffrances insupportables dans le dos et dans les jambes. Au moment du choc tout c’était embrouillé dans sa tête, rien ne paraissait réel ni l’accident, ni ce que disait les secouristes, seule l’ envie de disparaître, de couler doucement vers cet appel d’un autre ailleurs qui la retenait encore vivante. Elle voulait qu’on arrête ce tintamarre que l’on faisait autour d’elle, qu’on la laisse s’endormir! Elle ne pouvait exprimer quoi que se soit. A demi inconsciente aucun son ne franchissait ses lèvres. Après plusieurs mois de soins intensifs à l’hôpital elle avait finit par sortir de sa léthargie. S’en suivirent une longues période de rééducation nécessaire pour qu’enfin elle puisse se mouvoir à nouveau . Sophie ne pouvait oublier que Thibaut n’avait pas eu sa chance ; celle de pouvoir être éjecté de son siège. Thibaut lui manquait tant. Et puis, comme si la mort de son mari n’était pas assez douloureuse, elle avait dut faire face à d’infamantes rumeurs pendant qu’elle se trouvait à l’hôpital. Elle apprit qu’un bruit courait sur son mari et que de prétendues dettes de jeux n’avait pas été honorées par Thibaut . Le chauffard aurait volontairement foncé sur leur voiture voulant lui faire peur. Une enquête avait été diligentée sur place. Le chauffeur du s’expliquer sur les raisons de l’accident. Il avoua spontanément qu’il s’était trompé de voiture et que Thibaut n’était nullement mis en cause dans cette affaire.
Pourquoi évoquait-elle encore ces images ? Peut être pour se sentir liée à ce passé d’avant ou tout semblait leur sourire. Pour ce dire que Thibaut était toujours vivant ! Pour affirmer qu’il était toujours présent ! Qu’il avait, comme tous les vrais vivants sons amour, son irremplaçable provision de souvenir.
Elle sourit avec amertume. Comment avait on pu oser profaner de tels bruit, de tels mensonges, alors que son mari était décédé et pourquoi ? De ce fait, en cette belle première matinée de printemps elle se disait que si Thibault était encore là tout aurait été différent, malheureusement il y avait eu cet accident. Le regard fixe elle tourna les yeux vers le parc. De fines rides apparaissaient au coin de ses paupières, meurtrissures étranges, signes peut-être des nuits sans sommeil à l’extrême limite de la résistance. Puis, Le visage de Sophie changea d’expression, devint plus sombre elle ne pouvait oublier ses heures féerique passées dans le parc avec Thibaut. Ce merveilleux parc où ils avaient pris du temps a surveillé attentivement leurs plantations, et la végétation florissante dont ils étaient si fiers. Elle n’eut d’yeux que pour les allées sous les arbres, pour les haies de lauriers criblées de taches de soleil, pour la terrasse et la bordure bleue de la piscine. Elle se souvenait combien ils étaient proches, si heureux tous les deux. Une fulgurante pensée lui vint que quoi qu’il puisse arriver dans sa nouvelle vie… que rien dans ce parc ne changerait plus jamais, que le ciel venait de s’immobiliser pour toujours avec son soleil fou, emballé au-dessus des arbres, et sa lumière fixée pour l’éternité. (Nouvelle de Roberte Colonel)
– NB : Une fois encore l’inspiration m’est venue en regardant la toile d’Eugène Grasset « Femme à la rose » fil conducteur de cette nouvelle : « L’accident. »
La femme à la rose de Eugène Grasset (Lausanne, 1845 – Sceaux, 1917)
Femme à la rose, vers 1900
Aquarelle sur papier, 65 x 50 cm
Acquisition, 1984
Inv. 1984-034
© Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne