Elle aimait revivre voilà tout !

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-Paul dit -saurez- vous retrouvez votre chemin ?

-Clair fit un signe de main en s’éloignant.

-Paul dit encore :

-Demain. Sur la terrasse

Clair ne répondit pas, ne fit pas un geste, marchait vite, dans l’allée en pente. Sur le gravier ses talons firent du bruit. Une autre fois elle ferait mieux de mettre des sandales. Avant de renter dans la maison, elle se retourna presque malgré elle. Là-bas, sorti de la pinède Paul surveillait son retour. 

Dans la nuit  brillaient les étoiles. De loin, son corps se confondait  avec la masse sombre du bosquet.

 Clair avait doucement poussé le battant de la porte puis se retourna vers la nuit. Tout avait disparu.

Aucun bruit n’était perceptible, sauf les crissements des criquets isolés. L’air de la maison lui paru fade. Prudemment elle monta, en comptant les marches. Dans sa chambre elle regarda par la fenêtre ouverte le ciel étoilé, et le vent ne se sentait plus.

Elle rejeta son léger peignoir, s’étendit sur le lit. Jamais elle ne pourrait s’endormir. Elle se remémorait les paroles de Paul, cherchait leurs sens exact. Puis elle s’interrogeait : comment avait-elle osé sortir ? Pourquoi avait-elle suivit Paul. Et comment David avait-il pu lui adresser les paroles les mêmes que Paul avait employées ? Il ne la regardait plus, il ne pensait plus à rien…Tout cela devrait disparaître de sa mémoire, annihilé comme un cauchemar. Il s’étonnait de son retour au calme alors que la révélation de David l’avait brisé.

Son enfant, dans la pièce à côté, poussa un cri. La petite avait dû crier dans son sommeil.

Claire prêta encore l’oreille. De sa porte de chambre laissée entrebâillée vers la profondeur de l’escalier.

Longtemps elle guette. Enfin un léger froissement indiqua qu’on fermait la porte d’entrée. Mais les pas se faisaient attendre. Peut être sur les marches recouverte de moquette seraient-ils complètement indistincts ?

Elle allait céder au sommeil brusquement venu lorsqu’il lui parut qu’un frôlement avait fait légèrement frémir sa porte, comme si en passant, une main s’était plu à en toucher le battant.

David allait il venir la retrouver dans sa chambre où serais ce Paul qui revenait vers elle.

Elle ne tarda plus guère à l’apprendre. Elle semblait se rattraper de tant d’année de silence : Les souvenir  de ce lointain passé foisonnait dès qu’elle se retrouvait seule avec Paul. Elle avait décidé pour son enfant de garder encore le secret deux à trois ans. « Comme pour moi, songea t-elle avec amertume. Au moins elle, elle ne risque pas d’en souffrir. » Paul ne lui demandait jamais rien de son mariage avec David. Il ne s’intéressait guère à cela, d’où comme par hasard était issue pourtant sa propre existence (Père hasard), je peux te maudire sans blasphème, toi l’absurde omniprésent !  Il n’avait qu’une simple question à poser. On ne peut guère empêcher l’esprit de trotter où il veut, du moins quand il s’agit d’intérêt aussi captivant. Même une vérité attendue peut encore surprendre …et d’autant plus qu’elle a était plus passionnée désirée ou crainte.

Clair aimé passionnément Paul. Elle aimait revivre voilà tout !

Ce passé troublé David et l’irritait. Il si plongeait dans un sentiment de malédiction originelle. Et spontanément, par bouffées soudaines et tout à fait imprévues, dans la solitude, il se rappelait une fois de plus, que depuis le premier jour de leur rencontre il y avait eu une faille indéchiffrable un abîme dans leur relation. Il avait tout de suite creusé cette abîme : il avait failli en pleuré ce l’était interdis, puis avait espéré en vain que rien ne devait ternir leur mariage. Ce soir il ne songeait plus à rien, il se sentait la tête vide, et n’irait pas comme les autres soirs retrouver Clair dans sa chambre. (Roberte Colonel ) peinture Santiago Rusiñol   

 

Santiago Rusiñol, né à Barcelone en 1861 et décédé à Aranjuez en 1931, est un peintre espagnol symboliste et post-impressionniste, auteur etdramaturge.Fils rebelle d’un riche industriel, il se tourne très tôt vers le milieu artistique et part pour Paris. Dans les années 1880, il revient àBarcelone pour développer la vie culturelle de la ville en créant, entre autres, le café Els Quatre Gats qui ouvre ses portes en 1897. Dans ce café se regroupent de jeunes artistes dont Pablo Picasso. Rusiñol a, à l’époque, une grande influence sur Picasso qui débute sa carrière, en lui définissant la place de l’artiste moderne dans le monde. Entre 1899 et 1903, Picasso fait 21 portraits de Santiago Rusiñol.

Rusiñol est aussi un organisateur d’événements comme le festival ‘modernista’ au port de pêche de Sitges (au sud de Barcelone où il a laissé de nombreux bâtiments) où il remet au goût du jour El Greco, en se baladant en cortège avec deux tableaux de l’artiste qu’il avait achetés.

Artiste complet, il a écrit aussi des nouvelles et joué dans des pièces.

Il est décédé à Aranjuez en 1931 tandis qu’il peignait ses célèbres jardins.

Il a été le sujet principal d’un billet de 50 pesetas daté du 31 décembre 1951.