Souviens-toi que les jours passent sur toute chose…

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Voici extrait quelques pages de mon récit publié « Où es tu Maman ? » ensuite de mon manuscrit non publié à ce jour« Une vie à s’attendre » 

Ces pages auront leur place ici en ce jour de 1er novembre fêtes de la Toussaint et du 2 novembre jours des Défunts.

Information a ceux d’entre vous qui ne connaisse pas mon histoire :

Enfant de l’Assistance publique de la Seine, abandonnée en 1944 à l’âge de trois ans, j’ai pressenti très tôt que des événements me manquait, et que trop d’amour me liait depuis toujours à ma Maman. Il m’était impossible de laisser dormir mon dossier d’abandon et de souffrir sans savoir. Je vais donc entreprendre en 1999 des recherches douloureuses, longues, et obstinées, qui vont faire ressurgir des souvenirs qui m’aideront à faire de mon passé une merveilleuse histoire d’amour entre Maman et moi. Preuve que le sentiment inassouvi et la volonté d’aimer peuvent mener à la vérité.

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 Souviens-toi que les jours passent sur toute chose, estompent les actions, effacent les œuvres et font mourir les souvenirs, à l’exception de ce qui fut gravé dans le cœur des hommes par l’amour, et qu’ils se transmettent de génération en génération. » (Aristote)

 « Où es-tu Maman ? »

Nous étions partis pour le cimetière de Thiais en famille et tandis que nous en approchions, l’appréhension de me retrouver devant la sépulture de Maman m’effrayait. Dès notre arrivée, nous avons parcouru les nombreuses allées numérotées inscrites sur un plan. Puis nous avons compté une à une les tombes mortuaires à la recherche de la stèle de Maman. En dernier lieu nous n’apercevions autour de nous que des tombes en très mauvais étaits datées des années 1970 et abandonnées par les familles.

A ne pas trouver la tombe de Maman, j’étais désespérée. Un instant mes jambes furent privées de réflexes, elles semblaient ne plus pouvoir me soutenir, je ne parvenais plus à mettre mes pieds l’un devant l’autre, je me trouvais dans une situation de découragement total ; je ne cessai d’appeler Maman. En situation de folie je la suppliais de bien vouloir me faire un signe :  

-« Réponds-moi Maman, je suis là ! Réponds moi Maman, où es-tu Maman ? » J’avais tant de fois rêvé la retrouver et ceci bien sûr n’était resté qu’au niveau du rêve de la pure imagination… que de rester ici plongée dans cet endroit frontière entre elle et moi, entre passé et présent, le rêve d’un espace libre où je pourrais enfin lui dire combien elle m’avait manquée, combien j’avais espéré son retour.

-« Où es-tu Maman, réponds moi, je suis là Maman » : ces mots qui me venaient alors très précisément étaient ceux prononcés pendant la période de mon enfance.

Dans la magie de la nuit, lorsque j’étais enfant, j’appelais maman de toutes mes forces sans faire de bruit. C’est tout à fait étrange de ressentir aussi nettement, brutalement, que là dans ce cimetière les mots que j’ai dits, pas un de plus qui ne soit aussi précis. Pourquoi l’ai-je appelée encore de la sorte ? Je tapait les pieds, je voulais qu’elle m’entende, je la suppliais encore et encore, sans maîtrise. Comment ai-je pu pendant un moment avoir un tel égarement, dans mon comportement ?

Cependant, j’ai compris depuis peu que mon trouble n’avait rien à voir avec un caprice d’enfant. J’invoquais Maman parce que je voulais que mon rêve de petite fille trouve sa réponse dans ce cimetière, pour ériger un point d’ancrage auquel m’accrocher à elle dans ce lieu.

Maman avait pris son envol en ne me laissant aucune explication, il était vain de me dire « peu m’importe » ! Je voulais conjurer dans ce cimetière ma peur qu’un jour mes manques d’elle soient toujours en moi ; c’était bien au nom de ce refus obstiné de l’avoir perdue, qu’il m’importait encore de la rechercher.

« Je suis là Maman ! Où es-tu Maman ? Fais moi un signe, je t’en supplie, fais moi un signe pour que je puisse te retrouver ».

A-t-elle pu m’entendre dans son petit coin de ciel tout là-haut ? Non c’est impossible, j’observais ma famille compter les emplacements des tombes, leurs silhouettes se déplaçant au ralenti ; le flou de l’instant transformait leurs apparences en spectres fantomatiques, se détachant en toile de fond dans le cimetière ! J’étais dépossédée de tout discernement rationnel. Encore aujourd’hui il m’est impensable d’expliquer ce sentiment terrible que fut pour moi ce dédoublement de personnes.

Je regardais les fantômes (ma famille) se pencher sur un petit monticule de terre semblable aux autres tombes mal entretenues. Je me demandais ce que ces fantômes pouvaient bien faire à cet endroit. Sans savoir ce qui m’arrivait, j’étais détachée de ma famille et du visible qui m’environnait. Je ne suis sortie de ce cauchemar qu’au moment où j’ai entendu la voix de mon mari me préciser que d’après le plan qu’il avait entre les mains, la tombe de Maman se trouvait bien là où nous étions prostrés ! Penchée au- dessus de la sépulture, aucun signe visuel ou symbolique ne me permettait de supposer que ce fut bien l’endroit où Maman reposait. A l’instant même où mon mari a affirmé avec certitude que la tombe que nous recherchions était là sous ses pieds, que s’était-il donc passé pour que cet emplacement soit si dérisoire à mon coeur ?

En venant au cimetière à la recherche de l’endroit où devait se trouver le corps de Maman, je m’étais imaginée qu’il me serait facile de communiquer avec elle, mais rien ne s’était produit dans l’immédiat sur cette tombe… Jusqu’au moment où, de façon irrationnelle, tout fut à nouveau confus autour de moi. Je n’ai pas su réfréner l’appel intérieur qui me poussait à quitter l’emplacement où nous étions restés prostrés pour nous recueillir.

Je perdais pied une fois encore, j’essayais de lutter de toutes mes forces contre cette exaltation qui me soulevait de terre et me poussait à enjamber une petite allée entre deux tombes, face à celle où ma famille s’était posée. Une sépulture retint particulièrement mon attention. Je me souvenais être passée par deux fois à cet endroit et, mieux encore, je me rappelais avoir posé un regard critique sur cette tombe mal entretenue. Je m’étais indignée à haute voix trouvant qu’il était inadmissible, voire scandaleux, de laisser des sépultures en cet état ! Pour quelles raisons cette tombe me fascinait-elle autant ? Pendant un moment, je restais anéantie devant cette pauvre stèle craquelée, à moitié béante. Le couvercle de ciment censé recouvrir le cercueil était en très mauvais état, ceci sans doute dû aux nombreuses tourmentes des saisons.

Pourquoi une telle fascination pour l’endroit ? Mentalement je m’égarais, il me fallait essayer de comprendre ce qui m’attirait particulièrement à cet endroit. L’air ne pénétrait plus mes poumons je suffoquai, je vivais des minutes si troublantes, si émouvantes que mes jambes ne me soutenaient plus ; je chancelai. Comme s’il s’était agi d’un rêve, je fus happée en quelques secondes dans un tourbillon de douceur, cet égarement si soudain fut suivi d’un éblouissement de grande intensité, tandis qu’autour de moi tout se mit à vaciller. Incapable d’effectuer le moindre geste, je n’avais plus de contrôle sur mes réactions, je vivais un état rare et précieux. Cet endroit était extraordinairement bouleversant, y avait-il une raison particulière à cela ?  Le bleu du ciel était d’une douceur infinie, la lumière apaisante du soleil réchauffait mes épaules, et je sentis doucement la langueur s’emparer de mon corps. Je restais prostrée à fixer l’endroit, j’oubliais ce qui m’entourait, les minutes que je vivais m’offraient un refuge extraordinaire de paix. Je ne saurais pas dire si ce moment de contemplation dura quelques minutes, ou peut être que ce ne fut que quelques secondes ; instants surnaturels où il me fut si facile de ne plus souffrir en pensant à Maman. Bouleversée, je sortis enfin de ma léthargie pour reprendre doucement conscience sur la réalité de ma présence dans ce cimetière.

Au vue de mon étrange comportement mon mari s’alarma, il m’implora de quitter au plus vite ce lieu, je ne comprenais pas son insistance, ne pouvait-il donc pas me laisser en paix ?

Pour moi il n’était pas question de partir si vite, ce moment était magique, il ne pouvait pas exiger que je quitte déjà ce lieu. J’essayais de le convaincre que nous avions encore du temps devant nous avant de reprendre notre route… mais rien ni fit, il ne m’entendit pas, et bien malgré moi j’ai du le suivre, en abandonnant la stèle. Mais, comme l’on couvre d’une couverture un enfant pour qu’il ne prenne pas froid, j’ai pris le soin de reboucher l’emplacement béant de la stèle d’un morceau de ciment. Mon geste obéissait à une volonté insensée, j’étais en harmonie avec ma démarche : si dans les jours à venir, l’eau de pluie tombait très fortement sur la stèle elle ne pourrait pas s’infiltrer à l’intérieur de la sépulture !…

Je n’apprendrais que la semaine suivante que la stèle sur laquelle j’étais restée figée, à moitié inconsciente, que cette stèle était… celle où reposait Maman.

On peut s’interroger sur le fondement du rationnel, ou bien encore sur celui de l’irrationnel !

Mais alors, quelle explication peut-on donner sur cette vérité que je décris ? Quel est ce mystère qui me propulsa par deux fois justement à l’emplacement où se trouvaient les restes mortuaires de Maman ?

Bien sûr, nul autre que mon mari ne peut affirmer que ce que je décris est la vérité, mais qu’importe ! Moi, je reste extrêmement troublée par l’élan médiumnique qui avait servi d’intermédiaire entre Maman et moi.

Ferai-je un jour mon deuil de Maman ? Je n’en n’étais pas encore là. Ma douleur de ne pas l’avoir retrouvée de son vivant empêche pour l’instant ma complète guérison.

Ceux qui auront vécu de semblables événements comprendront-ils que l’on ne peut se débarrasser de ses maux, de continuer une histoire sans savoir précisément où celle-ci a débuté !

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Avec l’aimable autorisation de publié:  Photo Studio 56 Digital Imaging 

Quand nous ne savons plus faire un seul pas, la vie, elle, sait comment poursuivre. Là où nous désespérons de toute issue, elle en propose des dizaines. Il suffit de lui garder confiance. Il suffit d’aller jusqu’à ce point en nous, si ténu que le désespoir ne peut s’en saisir, comme il fait du reste. (C Bobin)

Quand la souffrance est trop présente et que l’on réussit à en parler, on peut penser que la guérison est imminente. Voilà pourquoi aucune histoire n’est innocente. 

Ce ci se passa quelques jours avant la relève du corps de Maman, je me sentais fatiguée, et je désirais prendre un peu de repos. C’était un samedi, et une bruine obscurcissait le ciel. Les nuages si sombres me faisaient penser à une journée de Toussaint.

Mon mari, installé confortablement devant le téléviseur, se passionnait pour un match de football, il était loin de se douter de ce qui allait se passer dans notre chambre a coucher. J’étais allongée sur mon lit, les yeux dans le vague lorsque soudain je sentis mes forces faiblir, il me sembla alors que mon corps flottait dans l’air. Hagarde je fixais les murs, une multitude de pensées envahissaient  ma tête quand je fus prise d’un vertige, tout au tour de moi se mit à vaciller. Et ce fut à ce moment que devant mes yeux je vis apparaître l’entrée d’un tunnel éblouissant de lumière, je pénétrais doucement à l’intérieur. J’avais la sensation  de marcher sur un tapis recouvert de ouate. Plus j’avançais plus la couleur devenait blanchâtre et douce. Ce n’était pas une hallucination, ce que je voyais de mes yeux était d’une beauté extraordinaire. J’étais si bien dans ce doux cocon douillet, que je ne fus pas surprise de voir apparaître Maman. Elle me tendait ses bras, me faisant signe  de la rejoindre. J’aurais aimé répondre à son appel, je me souviens de lui avoir tendu mes deux mains, ce moment fut d’une telle intensité de douceur, de quelle force ai-je donc bénéficié pour ne pas la rejoindre, alors que je la visualisais dans ce tunnel de lumière.

Je savais ce moment précieux : surtout ne pas bouger, ne pas avancer vers elle. Simplement échanger des mots, lui dire, non… la repousser doucement, me détourner d’elle, lui dire que c’est trop tôt, qu’au de là de toutes ces années à l’espérer nous pouvions encore attendre un peu pour nous rejoindre. Mais c’était trop cruel, pas un son ne parvenait à sortir de ma bouche.

– Pas maintenant, pas encore, non Maman, je ne peux pas encore te rejoindre, ce n’est pas le moment, j’ai tant de chose à faire ici.  Ce moment allait me quitter, je le savais ; ma résistance à ne pas vouloir m’enfoncer plus en avant dans le tunnel pour la rejoindre, allait ce refermer. Mais peu importe, un jour Maman reviendrait me chercher, je le sais.

Je n’avais pas vécu une expérience de spiritisme, mais peut-être ne pouvais-je pas aller plus loin que ce long, long moment d’immobilité au cours duquel j’avais eu la révélation d’avoir à prendre une décision. Une décision qu’un jour je prendrais. Je me sentais impuissante, comme dans un rêve où l’on court s’en savoir si on veut atteindre une destination ou si l’on fuit, où l’on sait seulement qu’il faut que l’on avance malgré ses jambes de plomb.

J’ai repris doucement conscience, et pour ne pas sombrer à nouveau je me suis levée et je suis allée demander de l’aide à mon mari. Il me dit ne rien pouvoir faire pour moi, et je compris qu’il était trop passionné par son match de football ; Je vis qu’il ne m’écoutait que d’une oreille. Cependant, j’avais besoin d’aide, c’était urgent sinon j’allais perdre la raison pour de bon. La seule solution raisonnable qui me vint à l’esprit fut d’appeler le docteur Boris Cyrulnik, Neuropsychiatre auteur de nombreux livres. Boris Cyrulnik avait été mon Maître en écriture pour l’approche de mon livre « Où es-tu Maman ? ». J’eus aussitôt l’envie de lui parler de cette expérience. Je me souviens combien j’avais crains de le déranger au téléphone, cependant je ne doutais pas que s’il se trouvait chez lui, il prendrait quelques minutes de son temps pour m’aider. Ce qu’il fit avec toute la gentillesse qui le caractérise. Je lui racontai comment, allongée sur mon lit, je m’étais sentie soudainement éperdue d’angoisse, Je parlais de mon entrée dans le tunnel lumineux, de l’appel que me lançait Maman en me tendant ses bras, de ma détresse de n’avoir pu la suivre. Avec compassion, Monsieur Cyrulnik m’aida à comprendre mon malaise. Il me persuada que je n’avais pas perdu la raison comme je le prétendais

– « Non Madame vous n’avez pas perdu la raison, votre souffrance est telle qu’il vous est difficile d’accepter de couper le cordon ombilical d’avec votre maman » ; il m’apaisa, me conseilla de ne pas garder les cendres de Maman dans notre appartement mais de les porter au columbarium de ma ville dès notre retour de Paris. Il continua pendant quelques minutes de me rassurer et lorsque prit fin notre entretien, j’étais de nouveau confortée de l’utilité d’avoir su aller jusqu’au bout de ma démarche et d’obtenir que me soient rendus les restes mortuaires de Maman. Non je ne devenais pas folle, il s’était bien passé quelque chose là-haut, quelque chose dans l’au-delà entre Maman et moi.  

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« Tout récit participe à la naissance d’un sentiment qui construit nos espoirs, nos tristesses et nos étrangetés. » (Boris Cyrulnik)

La relève du corps de Maman.

-Était-ce bien Maman que l’on allait installer dans ce petit cercueil de bois ?   Comment feront ils pour déposer maman dans le cercueil il est si petit ? Et pourquoi un si petit cercueil, alors que j’avais appris que Maman était très grande ?

Non, ce ne pouvait pas être Maman…

Et si le personnel du cimetière avait fait une erreur en se trompant de numéro de sépulture ! 

Ma tête. -oh ! Ma tête ! J’avais si mal. Je n’arrivais plus à maîtriser les petits tremblements de mes mains, de mon corps. À vouloir me convaincre d’arrêter de trembler, mon corps se tétanisait. J’avais beau cherché à me raisonner, mes bras et mes jambes étaient agités de petits mouvements saccadés, je les ai imploré; pour qu’ils arrêtent d’osciller de la sorte ! Je devais impérativement me calmer, me résonner, il était indécent de vouloir récupérer le corps de Maman, alors que j’étais dans cet état. Je serrais mes mains l’une dans l’autre, pensant pouvoir réussir à vaincre mon chagrin, mais cette pensée n’était qu’illusoire, car rien n’y faisait ! Ma peine était trop forte. Je jugeais mon comportement parfaitement débile, ma conduite n’était pas digne de l’objectif que je m’étais fixé ! Il me fallut de longues minutes d’égarement avant de prendre réellement conscience que c’était bien les restes mortuaires de Maman qu’allait m’octroyer le personnel du cimetière.

J’avais attendu ces instants-là depuis si longtemps, qu’à force de lutter contre ma souffrance, j’étais maintenant épuisée. Je me souviens que pendant un court instant je n’avais plus su ce que j’étais venue faire dans le cimetière… et, j’avais entrepris de nouveau une conversation avec moi-même…S’agissait-il de venir chercher Maman ? -Oui bien sûr, mais pourquoi ici ? Parce que c’était sa dernière demeure. Je n’arrivais plus à maîtriser mon émotion ; je ne comprenais plus rien de ce qui m’arrivait. Une douleur terrasse mes mains, mon visage, mon ventre. J’allais mourir ici, à cet endroit, j’avais si mal !

Et puis, que faisait donc mon mari à se tenir ainsi, penché au dessus de ce trou colossal creusé le matin même par les employés? Que faisait-il donc là-bas, au lieu de se trouver près de moi ? Pourquoi n’était-il pas à mes côtés, à m’entourer de ses bras pour me réchauffer ? Je ne raisonnais plus avec discernement ; je n’étais plus dans une logique normale, mais dans un état de choc, égarée, proche de la folie. C’était une de ces situations qui durent un temps insupportable, un de ces moments si douloureux à vivre que ceux à qui une situation similaire n’est pas arrivée auront sans doute bien du mal à comprendre.

Je n’eus que quelques minutes de recueillement la main posée sur le cercueil avant que la porte du fourgon funèbre se referme, emportant Maman au funérarium du Père-Lachaise. Je serais conviée deux jours plus tard à venir reprendre les cendres de Maman. Mon mari et moi étions attendus à neuf heures, pour la remise des cendres. Dès notre arrivée au Père-Lachaise, le Directeur du cimetière est venu nous saluer et nous remettre l’urne. Il connaissait un peu l’histoire qui me liait à Maman, et c’est sans doute parce qu’il le savait qu’il eut ce geste magnifique envers moi. Il prit doucement ma main, la posa sur l’urne où se trouvaient les cendres de Maman, puis il m’aida à mettre mon autre main pour l’enserrer. Ce fut un moment si fort qu’il m’est impossible d’en oublier le moindre détail. Dans ma tête, dans mon cœur, je ne réalisais pas que c’était les cendres de Maman qui se trouvaient en ma possession, dans l’urne que je tenais serrée entre mes deux mains, c’était Maman.

Avant notre départ, le Directeur eut encore cette délicatesse il m’avait semblé lui entendre me dire : -« Madame, prenez soin de votre maman », alors qu’il avait simplement dit :- « Madame prenez soin de l’urne de votre Maman ». Ce professionnel, habitué de voire tant de situations douloureuses, avait compris ce que je ressentais si fort. Notre retour de Paris se passa bien. Nous avions mis la boite en velours bleu foncé, contenant l’urne et les cendres de Maman, dans le coffre de notre voiture. J’avais obtenu ce que je m’étais fixé pendant des mois, à savoir ramener les cendres de Maman dans le cimetière de ma commune. Cependant je n’arrivais toujours pas à intégrer dans ma tête que tout ce que j’avais entrepris était fini ! A notre arrivée chez nous, j’ai pris l’urne et l’ai montée dans notre appartement. Le lendemain matin, j’ai demandé à mon mari et à notre fils de me laisser seule, pour être dans une totale intimité avec Maman. J’ai ressorti doucement l’urne de sa boite et j’ai entrepris de faire le tour de notre appartement avec Maman. Je lui ai raconté notre vie, lui ai montré des photos de nos enfants, de nos petits-enfants, après  un long moment  , j’ai remis doucement l’urne dans sa boite de velours. L’après-midi nous sommes partis en famille au cimetière placer l’urne à l’emplacement que nous lui avions réservé face à la montagne enneigée.

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16 réflexions sur “Souviens-toi que les jours passent sur toute chose…

    1. Colette je l’espère de tout mon coeur. Mon billet est très long mais il m’était difficile d’en écrire qu’une partie aujourd’hui. J’espère que mes amies le liront jusqu’au bout car l’événement n’est pas banale.
      Bisous.

      1. Bon, je viens de lire ce nouveau bout Roberte ! Je te dis que c’est vraiment un beau cadeau du ciel, que tu as eu là ! C’est précieux et cela n’a pas de prix ! J’ai déjà eu une expérience du genre, avec une personne que j’ai accompagnée jusqu’à la mort il y a plus de 20 ans (un bon prêtre de 84 ans) … c’est unique et moi, c’est certain que j’y crois ! Voilà la récompense d’aller jusqu’au bout des choses importantes ! Bonne route et en paix ! C’est certain qu’elle sera la première à t’accueillir au moment opportun !
        Je t’embrasse bien fort !

    1. Merci madame pour votre commentaire.
      Une preuve que le sentiment inassouvi et la volonté d’aimer peuvent mener a ce que jamais on n’oublie.
      Bien a vous.
      Roberte Colonel

  1. Je le savais que tu savais écrire… Quand vas-tu publier ? Ce n’est qu’une question de temps, non ?

    Merci d’avoir mis un préambule au tout début
    Merci pour ce partage
    C’est troublant, c’est émouvant, c’est touchant, et même c’est un rien perturbant tant j’ai ressenti tes émotions au fil de la lecture

    Belle et douce soirée à toi
    Mille bises
    Sourire

    1. Mariessourire tu es gentille.
      Je trouvais qu’il n’y avait pas de moment plus propices que la Toussaint pour mettre ce billet.
      J’ai vécu des moments très difficile tout le temps passé a rechercher maman ainsi que la vérité sur mes origines. Mais que de belles surprises au travers de ce chemin sur l’ histoire de maman. Je t’embrasse.

  2. Oh que c’est beau, et c’est triste.

    Mais la grande réalité,
    c’est que nous ne sommes que de passage
    dans ce monde terrestre…

    Gardons le soleil dans notre coeur.

    -`☆´- *´¨)
    …… ¸.•´¸.•*´¨) ¸.•*¨)
    … … (¸.•´… (¸.•` -`☆´- Bon Mois de Novembre !

    1. Flo même si cette épreuve me fut difficile à vivre il me la fallait pour aller jusqu’au bout et faire que ma vie soit apaisée. Nous traversons tous des épreuves dans notre existence. Je t’embrasse.

    1. Tu connaissais déjà certains des passages du récit… mais d’autres sont inédits et jusqu’à ce jour je n’avais pas pu en parler tellement l’événement avait été troublant. Bisous Gaël

  3. Que d’émotions dans ces textes mon amie…j’aime beaucoup ta façon d’écrire et de raconter les choses. On se sent comme si nous y avions été partout avec toi à chaque tournant que tu prenais. Tu ne L’as pas eu facile comme on dit chez-nous…que tu aies pu transcender cette souffrance en parvenant à écrire tout ceci est une gloire je crois. Ce que tu es passée à travers t’a rendue plus sensible encore et cela se lit à travers tes mots purs, doux, tragiques et magiques. Merci de m’avoir guidé vers cette merveilleuse page de lecture. Bon mercredi et gros bisous, Delvi.

    1. merci Delvi pour ton superbe message…. Je crois que seule la souffrance au fond de mon coeur ma transcendée pour mettre des mots sur un passé qui me faisait tellement défaut.
      Delvi aucune histoire est aboutie si la souffrance reste en éveil. Tourner la page sur son passé n’est pas chose facile. Je me pose la question… es ce que je saurais encore écrire comme cela parce que une révolte s’est installée en moi devant l’injustice que maman et moi avons subis. Tourner la page sur son passé n’est pas chose facile. La mémoire se perd: Mais l’écriture demeure. Bonne après midi Delvi. Bisous

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